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Le coq Maurice chantera-t-il tout l’été ?

Sur l’île d’Oléron, un litige oppose la propriétaire d’un coq à ses voisins, qui ne supportent plus le chant matinal de l’animal. Le 4 juillet dernier, l’affaire a été portée devant le tribunal de Rochefort, qui rendra son jugement le 5 septembre.

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Les juges se prononceront sur la fréquence, la durée et l’intensité du chant du coq, en tenant compte du moment de sa survenance (nuisances diurnes ou nocturnes, période estivale), et de sa localisation (milieu rural, lotissement). Chant du coq, coassements, aboiements, cloches, tondeuses, engins agricoles, effaroucheurs… que dit la jurisprudence sur les bruits de campagne ?

Aboiements, coassements et chants

En milieu rural, le chant du coq fait l‘objet d’une certaine tolérance jurisprudentielle, comme dans la décision lyrique de la Cour d’appel de Riom : Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; (...) que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme (Cour d’appel de Riom, 1ère chambre civile, 7 septembre 1995, n° 06/00181).

Pour autant, la réglementation dédiée au bruit ne distingue pas le milieu urbain du milieu rural, et le bruit de ces animaux peut constituer un trouble condamnable, selon sa durée, son intensité ou sa fréquence. Dans le cas d’aboiements de chiens, doublés du chant du coq, les juges avaient reconnu l’anormalité du trouble, « peu important que d'autres voisins ne se plaignent pas de cette situation » (Cour d'appel d’Aix-en-Provence, 17 Décembre 2015, n° 14/16468). Pour les mêmes raisons, les propriétaires d’une marre à grenouilles ont été condamnés à verser 3 000 euros à leurs voisins et à combler l’étendue d’eau (Cour de cassation, 14 décembre 2017, n° 16-22.509).

  • Durée

Le chant d'un coq est considéré par le juge comme un trouble à la tranquillité publique s’il s'exerce sans discontinuer la nuit à partir de quatre heures (Cour d’appel de Bordeaux, 29 février 1996, n° 1996042496) ou toute la journée (Cour d’appel de Toulouse, 6 mars 2006, n° 2006-301207).

  • Fréquence

Compte tenu de son caractère répétitif pendant plusieurs heures de la nuit, le chant d’un coq ne pouvait pas être considéré comme résultant du comportement normal d'un tel volatile, même en milieu rural (Cour d’appel de Bordeaux, ch. corr., 29 février 1996, n°1996-042496.

  • Localisation

La localisation du poulailler abritant un coq chanteur, situé dans une résidence de villas de bord de mer de grand luxe et sans vocation agricole, était pour le juge déterminante. En effet, l’élevage ne remettait pas en cause la nature du voisinage qui reste un domaine calme et résidentiel (Cour d'appel d’Aix-en-Provence, 25 février 2016, n° 15/00811).

  • Comportement du propriétaire de l’animal

Le bruit causé par l’animal est imputable à son propriétaire, si ce dernier est conscient de ses aboiements matinaux et qu’il n’a pris aucune mesure pour y remédier (Cour de cassation, 11 janvier 2005, n° 04-83.332), ou qu’il laisse chanter son coq (Cour d’appel de Bordeaux, 29 février 1996, n° 1996-042496).

Différents sons de cloches

Les cloches bovines bénéficient de la même tolérance. Le juge parle de « nuisances classiques et modérées provoquées par les sonnailles d'un troupeau de bovins » (Cour d'appel de Riom, 15 Juin 2006, n°06/00181). « Il est en effet naturel, en pays d'élevage traditionnel, d'entendre le bruit des cloches portées par des vaches, ce que les propriétaires voisins lorsqu'ils se sont installés ne pouvaient ignorer. Dès lors n'y a-t-il pas trouble anormal de voisinage compte tenu notamment des lieux et de leur destination ».

Pour ce qui est des cloches…d’église cette fois-ci, leur sonnerie ne suffit pas à elle seule à constituer un trouble anormal du voisinage. Le trouble vient de son intensité et de sa fréquence (Cour administrative d'appel de Nancy, 17 mai 2018, n° 17NC00829 et 17NC00838). Le maire de Masevaux avait autorisé le fonctionnement quotidien de la sonnerie de la chapelle Saint-Michel toutes les demi-heures de 8 à 18 heures (Tribunal administratif de Strasbourg, 2 juillet 2008, n° 08.02657). Le maire peut toujours encadrer par arrêté municipal la sonnerie des cloches de l'église, en conciliant les nécessités de l'ordre public et le respect de la liberté des cultes (Cour administrative d'appel de Bordeaux, 19 juin 2007, n° 05BX01912).

L’affaire du coq Maurice cristallise les tensions autour des bruits de campagne, entre les ruraux et les néo-ruraux. Au delà du contentieux juridique foisonnant, l'impact est médiatique. Les médias français ont d'ailleurs largement relayé l'affaire, allant jusqu'à attirer l'attention du New York Times outre-Atlantique. 

Dans un contexte tendu où le maire de Gajac revendique l’inscription des bruits de campagne au patrimoine national, le jugement du 5 septembre prochain est très attendu.

 

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