Aboiements, chants du coq
ELÉMENTS PRIS EN COMPTE PAR LE JUGE CIVIL POUR APPRÉCIER L’INCONVÉNIENT ANORMAL DE VOISINAGE
DURÉE, RÉPÉTITION DU BRUIT
C'est davantage la répétition des aboiements, leur caractère intempestif, qui sont retenus pour apprécier le trouble, que leur durée.
Par exemple, le propriétaire d'un chien a été condamné à réparer le trouble anormal subi par son voisinage, en raison de ces aboiements intempestif.
Cour d’appel de Montpellier, 14 février 2000
CARACTERE NOCTURNE DU BRUIT
Le juge civil considère que les bruits d'animaux peuvent générer un trouble anormal de voisinage, de jour, comme de nuit, mais sera enclin à davantage de sévérité pour les cris de nuit, notamment lorsque des chiens sont laissés, la nuit, en liberté :
« […] Attendu qu'il reste que ces aboiements ont été longtemps intempestifs notamment lors de passage de personnes sur les routes voisines ; que particulièrement rien ne permet d'éluder les témoignages circonstanciés du Maire de la Commune, et d'une représentante de la S.P.A. : que cette dernière a constaté la présence dans la propriété B. de 6 ou 7 chiens en liberté, à l'exception d'un labrador de couleur noire, attaché avec un collier étrangleur, et qui "aboyaient de manière anormale" ; […] ».
Cour d’appel de Montpellier, 21 septembre 1999
Lieu
Le lieu où le bruit est engendré a un rôle important dans l'appréciation par le juge civil de la frontière, souvent délicate, entre les bruits supposés tolérables et ceux qui vont constituer un inconvénient anormal de voisinage.
Ainsi, des aboiements de chiens vont être considérés comme d'autant plus gênants que la victime habitait une cité résidentielle et qu'ainsi installée dans un quartier particulièrement calme, elle devait pouvoir accéder à son domicile et profiter de son jardin sans être dérangée
Cour d’appel de Versailles, 1ère chambre. 2ème section, 12 juin 1998
Mais cette même circonstance de lieu – parmi d'autres considérations – peut emporter l'appréciation totalement contraire
Cour de cassation. 2ème chambre civile, 21 mai 1997
QUELLES SONT LES PEINES PRONONCÉES?
En plus des éventuels dommages et intérêts obtenus en réparation du préjudice, les juges prononcent des mesures pour faire cesser le trouble :
- installation d’une séparation coupe vent destinée à empêcher le chien de s’approcher du fond voisin ;
- construction d’un mur anti-bruit, mise en place d’un merlon en terre ;
- limitation du nombre de chiens tolérés dans la propriété ;
- éloignement des animaux, par exemple par remise à la S.P.A.
Enfin, le manquement du preneur à son obligation d’utilisation des lieux en bon père de famille en raison des aboiements anormaux de ses chiens peut entraîner la résiliation judiciaire du bail :
« Considérant que si des faits allégués de dégradations immobilières par le petit -fils de M. C. ne peuvent être retenus faute d'imputation certaine à celui-ci, il ressort suffisamment des éléments ci-dessus que M. C., en laissant pendant plusieurs mois les deux chiens aboyer de façon intempestive et sans égard au voisinage, alors que, même en mauvaise santé psychique, il ne pouvait ignorer la gêne importante qu'il occasionnait nécessairement, a manqué de façon caractérisée à son obligation de jouir paisiblement de la chose louée, passant outre expressément aux stipulations précises du bail relatives à la sécurité, la salubrité et la quiétude des habitations ou de leur voisinage ; […] ».
Cour d’appel de Paris, 14 janv. 1999
INFRACTION À UN ARRÊTÉ PRÉFECTORAL
Pour caractériser l'infraction, le juge pénal recherche si les animaux ont été bruyants et ont pu gêner les voisins : il en sera jugé ainsi à propos de quatre chiens et d'un coq, au motif que s'il était certain que les bruits d'animaux pouvaient être habituels et prévisibles en zone rurale, il n'en était pas de même lorsque le propriétaire des animaux n'était pas un exploitant agricole, mais une direction de société qui avait choisi, pour son seul plaisir, d'avoir ces animaux.
C.A. d'Aix en Provence, 19 juin 1995
PEU IMPORTE L’USAGE FAIT DE L’ANIMAL
Le propriétaire de chiens peut être condamné en raison du bruit provoqué par ceux-ci lorsqu'il les laisse en liberté et sans surveillance sur sa propriété, mais également le propriétaire d'un chien laissé volontairement dans un garage afin d'en assurer la protection (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 nov. 1999). En effet, l'usage qui est fait de l'animal (que ce soit à titre privé ou dans le cadre d'une fonction spécifique) est sans incidence sur la réalité de l'infraction dès lors que les bruits troublent de façon anormale la tranquillité du voisinage.
AGRESSIONS SONORES RÉITÉRÉES
Le bruit des animaux peut, dans certains cas, constituer un trouble à la tranquillité d’autrui par agressions sonores réitérées. Ce délit, prévu par l’article 222-16 du nouveau Code pénal, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Il existe très peu de jurisprudence sanctionnant les bruits des animaux sur le fondement de ce texte. On notera cependant que la propriétaire de treize chiens qui aboyaient nuit et jour, de façon réitérée depuis des années et qui refusait obstinément de faire cesser ce trouble a été condamnée sur le fondement de cet article à quatre mois de prison ferme :
« Attendu qu'il résulte en effet de la procédure et des débats que Mme R. épouse A. est propriétaire et abrite de nombreux chiens, treize selon le dénombrement des enquêteurs ; que ces animaux aboient jour et nuit, notamment à chaque passage de voiture ou de piétons ; que ces aboiements répétés créent une très importante nuisance sonore pour le voisinage et notamment pour les occupants de la maison G.; que cette gêne est surabondamment démontrée par les constatations des enquêteurs et la multiplicité des témoignages produits (et ce compris les soixante et un signataires de la pétition) adressés au maire de C. ; Attendu ensuite que force est de constater que ces nuisances sonores perdurent depuis plusieurs années ; que différentes procédures ont déjà été établies par le passé pour les mêmes faits ; qu'il est également constant que le maire de C. a essayé, à la demande de nombre de ses administrés, de régler le problème posé par les aboiements des chiens ; qu'aucune solution n'a cependant pu être trouvée, la dame A. n'ayant même pas jugé utile de donner suite aux convocations de la mairie ; que le sous-préfet de l'arrondissement a également été saisi, avec le même insuccès ; qu'il ressort notamment des déclarations de MM. D. (maire) et C. (maire adjoint) que la dame A. s'est toujours montrée réfractaire et hostile à tout arrangement ; qu'entendue sur ces faits, difficilement et brièvement d'ailleurs, la prévenue;. s'est contentée de mettre en avant des arguments fallacieux du type "je demande à vivre en paix avec mes chiens que j'ai sauvés de la mort" ; qu'elle n'a à aucun moment pris, ni même envisagé de prendre, les mesures nécessaires pour éviter ou limiter les conséquences nuisibles du comportement de ses chiens ; qu'en s'abstenant ainsi de procéder à la moindre amélioration de nature à, au moins, limiter l'importante gêne occasionnée par ses chiens, la prévenue a démontré qu'elle faisait peu de cas des avertissements de ses voisins, de la mairie, de la gendarmerie ou de la justice ; qu'il résulte de ce qui précède que l'élément intentionnel du délit est tout à fait caractérisé […] ; Attendu que les circonstances de la cause ont été exactement appréciées par le tribunal dont la décision doit être confirmée dans son principe de culpabilité, […], eu égard aux circonstances de l'infraction et à la personnalité de son auteur qui persiste dans ses agissements malgré de nombreuses mises en garde, éléments qui justifient une peine d'emprisonnement sans sursis, seule susceptible de faire prendre conscience à la dame R. épouse A. de mettre un terme aux nuisances qu'elle occasionne […]".
Cour d'appel de Montpellier, 29 avril 1998, n°579
FERMETURE D’UN ÉLEVAGE DE CANARDS POUR CANCANEMENTS INTEMPESTIFS
Depuis 1999, les propriétaires d’une maison subissaient des nuisances sonores importantes occasionnées, de jour comme de nuit, par un élevage d’une cinquantaine de canards. Bien que l’élevage existait antérieurement à l’acquisition de leur bien immobilier, les plaignants ont obtenu la cessation de l’activité d’élevage de canards sous astreinte de 100 € par jour de retard. A par ailleurs été retenu l’existence d’un préjudice moral subi « tant du fait du manque de sommeil, de tracasseries dues à la procédure, condamnant à hauteur de 2000 € assorti de l’exécution provisoire ». Le Tribunal a retenu le critère du nombre d’animaux pour considérer qu’il y avait un inconvénient excessif de voisinage, bien que l’élevage se situe en zone rurale : « si la présence de quelques poules et canards conservant un certain caractère rural ne peut constituer une source de nuisances dès que leur nombre reste réduit, l’on se trouve en présence d’un élevage comptant une cinquantaine de volatiles ». Par ailleurs, les fauteurs de trouble n’étant pas propriétaires d’une exploitation agricole mais d’une maison sur un terrain duquel est installé un enclos, le tribunal a considéré que le principe d’antériorité ne pouvait être pris en compte en vertu de l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation, relatives aux activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales.
Tribunal de Grande instance de Chartres, 1ère chambre, 9 octobre 2002, n°01/01213
ARRÊT DE LÉGENDE : JUGES À LA PLUME DÉLIÉE, GALLINACÉS OBLIGE !
Dans un village du Puy-de-Dôme, un conflit de voisinage opposait les propriétaires d’un poulailler à leur voisin, jugeant l’enclos trop bruyant et trop malodorant. Le tribunal de Clermont-Ferrand avait, en première instance, donné raison aux plaignants et ordonné la destruction du poulailler. La cour d’appel de Riom avait fini par en décider autrement, motivant leur décision en ces termes :
“Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard); que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme. Par ces motifs: statuant publiquement et contradictoirement, infirme le jugement, déboute le sieur Rougier de son action et le condamne aux dépens…”.
Cour d’appel de Riom, 1ère chambre civile, 7 septembre 1995
LE TROUBLE DOIT ETRE FONDÉ
Dans ce litige, un habitant se plaint de troubles anormaux de voisinage. Il demande à la cour d’ordonner le déplacement du chenil composé de 4 chiens. Lors de son premier passage, l’huissier de justice a constaté une série de 12 aboiements et que lors de son second passage il n’y a pas eu d’aboiements. De plus, les autres voisins indiquent que les bruits ne se produisent que la nuit et qu’ils ne sont pas gênants. Par conséquent, la cour ne condamne pas le propriétaire des chiens.